Cas d’usages IA dans les collectivités territoriales : un rapport pour aider les élus à y voir plus clair

Mardi 24 juin 2025

L'intelligence artificielle suscite des espoirs mais aussi des interrogations chez les élus et les cadres territoriaux. Un récent rapport d’information du Sénat les invite, au travers d’exemples de cas d’usages IA dans les collectivités territoriales et de préconisations, à franchir le pas.

Les collectivités territoriales face à l’IA : comprendre pour agir

L’intelligence artificielle accapare la chronique médiatique, alimente le débat public, suscite autant de fantasmes que d’inquiétudes. Depuis la mise à disposition publique en 2022 de ChatGPT3, l’IA s’est imposée comme un levier incontournable de transformation. Partout la technologie gagne du terrain et les collectivités locales n’échappent pas à la règle. Il n’en demeure pas moins que pour nombre d’élus et de cadres territoriaux, l’intelligence artificielle soulève un flot de questions techniques, fonctionnelles, sociétales, juridiques. Des interrogations légitimes face à la puissance de ces nouveaux outils et de leurs jeux. Pour les accompagner et les aider dans leurs arbitrages, la Délégation sénatoriale aux Collectivités territoriales et à la Décentralisation a publié en mars 2025 un rapport d’information portant sur l’IA dans les collectivités territoriales.

« L’IA peut-elle aider les élus à satisfaire les exigences propres au fonctionnement des services publics locaux ? Va-t-elle irrémédiablement « tuer » l’emploi dans nos collectivités ? Peut-elle être conjuguée aux exigences environnementales poursuivies par les collectivités ? Comment les citoyens, les agents et les décideurs peuvent-ils orienter les transformations de l’IA à travers des cas d’usages dans les collectivités plutôt que les subir ?» Autant de questions auxquelles entendent répondre les sénatrices Pascale Gruny et Ghislaine Senée, co-auteures de ce rapport de 153 pages sur l’IA dans les collectivités territoriales, qui se veut un outil d’aide à la décision.

Des exemples de projets IA ancrés dans la réalité des collectivités territoriales

Les collectivités territoriales offrent de nombreuses opportunités de champs d’application de l'intelligence artificielle : information des usagers, sécurisation de l’espace public, gestion de l’eau, gestion des déchets, prévention des catastrophes naturelles, mobilités, optimisation du travail des agents… À titre illustratif, le rapport sénatorial s’arrête sur 6 exemples de cas d’usages IA dans les collectivités territoriales : la ville de Paris (75), la ville de Plaisir (78), la métropole de Nantes (44), la communauté d’agglomération du Sicoval (36), la ville de Nîmes (30), la commune de Saint-Savin (38).

Dans ces différents territoires, la mise en œuvre et le déploiement de l’IA répondent à des objectifs très précis et des cahiers des charges parfois très éloignés les uns des autres, mais tous également pertinents car ancrés dans la réalité des environnements locaux.

Dans la commune de Saint-Savin (4 264 habitants) et la Communauté d’agglomération Porte de l’Isère (111 000 habitants) par exemple, l’IA vient servir une logique d’optimisation de la ressource en eau comme cela a déjà été mis en œuvre à Nevers Agglomération. À Saint-Savin, alors que la commune distribuait quotidiennement 800 m3 d’eau, elle n’en facturait en réalité que 600 m3, 200 m3 se perdant dans la nature. Grâce à l’IA, 5 fuites ont été identifiées en l’espace d’une semaine, ce qui a permis de sauver 150 m3 d’eau par jour. Sur la communauté d’agglomération Porte de l’Isère, où les techniques traditionnelles ne permettaient jusqu’alors que de détecter 75 fuites par an en moyenne, l’IA a permis d’en identifier 15 en 3 semaines. 

De Nîmes à Nantes, des exemples inspirants d’IA dans les collectivités

Autre territoire, autre cas d’usage :  la ville de Nîmes a choisi de recourir à l’IA dans le cadre de son dispositif de prévention et de protection des risques d’inondations, lancé en 2018. Ainsi, les modèles de calculs retenus permettent d’ajuster en temps réel les prévisions grâce à sa connexion directe avec les limnigraphes chargés de saisir les variations du niveau des cours d’eau.

À Plaisir, c’est un robot conversationnel qui répond aux appels des administrés 24h/24, réduisant le taux de perte d'appels de 65% à 8% et permettant aux agents de se concentrer sur les demandes complexes. À Nantes, l'IA anticipe les besoins des cantines scolaires jusqu'à 10 semaines à l'avance avec une précision de 98%, évitant le gaspillage alimentaire. À Toulouse, le Sicoval utilise l'IA pour cartographier les places de stationnement et identifier les zones d'accueil des ombrières photovoltaïques. 

Réduire les inégalités d’accès à l’IA dans les collectivités territoriales

Pour autant, rappellent les cosignataires du rapport sénatorial sur l’IA dans les collectivités territoriales, la diversité et la pertinence des cas d’usage ne doivent pas occulter l’inégalité des collectivités face à la mise en œuvre de projets liés à l’intelligence artificielle. Les communes de 30 000 à 40 000 habitants, qui ne disposent pas nécessairement des compétences internes nécessaires au pilotage de programmes, partent nécessairement moins armées que les métropoles. Pour concevoir et développer des outils adaptés aux besoins de leur territoire, elles doivent la plupart du temps créer des services dédiés à l’IA. Et, bien sûr, opter pour la mutualisation.

Le rapport préconise ici l’institution de comités territoriaux de la donnée qui favoriseront le partage de la data et l’échange d’expériences entre collectivités. Autre recommandation : la désignation de collectivités "cheffes de file", chargées d’organiser l’ingénierie des projets IA et de construire une expertise qui permettra notamment d’écarter le risque de fracture numérique territoriale.

Gouvernance et cybersécurité : les conditions d’une IA de confiance

Et l’État dans tout ça ? Il pourrait être à l’initiative d’une « bibliothèque nationale des projets IA développés par les collectivités », sous la forme d’une plateforme numérique référente alimentée par les territoires. Le rapport sénatorial sur l’IA dans les collectivités territoriales ne néglige pas le volet « sécurité », insistant sur la nécessité de former les élus et les cadres territoriaux au droit de la conformité et à la prévention du risque cyber.

Enfin, il prône la rédaction dans chaque collectivité d’une charte éthique de l’IA pour fixer des principes clairs en matière de protection des données personnelles, de finalité des outils ou encore de gouvernance des projets numériques. Car l’une des clés de la réussite est bien là, dans la mise en œuvre d’une IA de confiance. 

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