Gestion des flux touristiques littoraux : « Anticiper les pics de fréquentation, c’est le propre des élus du littoral »

La France était en 2024 la première destination touristique mondiale avec plus de 100 millions de visiteurs internationaux. Stations balnéaires ou de montagne, métropoles ou villes moyennes : comment les collectivités s’adaptent-elles aux flux touristiques ? De quelle manière les solutions connectées leur permettent-elles d’optimiser leurs infrastructures et services ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cette série d’articles.
Le premier volet est dédié aux flux touristiques littoraux : Yannick Moreau, maire des Sables d’Olonne et président de l’Association nationale des élus des littoraux (ANEL) revient sur la nécessaire adaptation des collectivités et sur les atouts des solutions connectées pour améliorer les services à destination des habitants et des touristes.
Pour gérer et maîtriser les flux touristiques littoraux, les collectivités sont de plus en plus nombreuses à miser sur la donnée et les solutions connectées. Avec un triple mot d’ordre : comprendre, anticiper et réguler. Yannick Moreau, maire des Sables d’Olonne et président de l’Association nationale des élus des littoraux (ANEL), revient sur ces enjeux dans une interview pour Sogetrel.
Quelle est la tendance en matière de flux touristique dans les collectivités littorales ?
Le pouvoir d’attraction des côtes françaises ne se dément pas. Les séjours sur le littoral métropolitain concernent 30% des départs en vacances et le tourisme balnéaire représente 70% des nuitées estivales. C’est dire l’importance des flux touristiques littoraux pour les élus des quelque mille communes littorales. À une échelle macro, les chiffres de fréquentation traduisent clairement un effet post-Covid, avec une année record en 2023 sur l’ensemble du littoral. L’année 2024 a été en demi-teinte, mais cela tient d’évidence à une météo défavorable au tourisme. La saison 2025 devrait être une bonne saison.
Qu’est-ce qu’une « bonne saison » en termes de flux touristiques, si on raisonne en termes de fréquentation ?
Pour un élu, une bonne saison est une saison étalée, avec une continuité de flux touristiques littoraux d’avril à octobre. Les pics de surconcentration entre le 14 juillet et le 15 août ou à l’occasion des ponts du mois de mai peuvent se traduire par des phénomènes de saturation. Pour illustration, lors du dernier pont du 1er mai, nous avons enregistré aux Sables d’Olonne une pointe de fréquentation de 195 000 personnes, soit l’équivalent d’un beau week-end de première quinzaine de juillet. Les fortes concentrations de population, par définition, génèrent des risques.
Quels sont ces risques générés par les flux touristiques littoraux ?
La gestion des flux touristiques renvoie tout d’abord à un sujet de sécurité. Les élus que nous sommes doivent pouvoir offrir aux résidents à l’année comme aux touristes toutes les garanties de tranquillité et de sécurité publique.
Un autre enjeu est celui de la qualité de l’expérience touristique. Celle-ci implique notamment la fluidité de circulation, de stationnement et de mobilité. À cet égard, nous observons une réelle évolution dans le bon sens puisque les touristes acceptent aujourd’hui facilement de se dessaisir de leur voiture.
Enfin, l’afflux de population ne doit pas aller sans respect de l’environnement du littoral. Là aussi, les choses s’améliorent, du fait d’une prise de conscience et d’une volonté partagée de ne pas perturber les équilibres naturels. Tous ces enjeux, nous les connaissons et nous les maîtrisons. Et cette maîtrise passe par la régulation. Le sujet qui est plus nouveau pour nous, c’est le seuil de tolérance de nos administrés à l’année face au phénomène des locations temporaires. Il y a une indéniable montée d’un certain sentiment de dépossession. Sentiment au demeurant très légitime dès lors que les locaux n’arrivent plus à se loger. Là aussi, la régulation est nécessaire.
Pour réguler, il faut pouvoir mesurer…
Aux échelles locales, nous pouvons aujourd’hui nous appuyer sur des données dont nous ne disposions pas il y a encore 15 ans. De plus en plus digitalisées, les infrastructures de stationnement, de gestion des déchets, d’assainissement de l’eau, de vidéoprotection, de télécontrôle des flux routiers, délivrent des informations quotidiennes, souvent en temps réel, qui permettent aux collectivités d’apprécier de manière très précise, zone par zone, quartier par quartier, les pics de fréquentation et, sur ces bases, d’anticiper les flux.
Aux Sables d’Olonne, par exemple, nous sommes abonnés depuis 4 ans à une solution qui fournit aux collectivités des indicateurs de mobilité à partir de l’analyse du déplacement des personnes via le réseau mobile. Ces données nous aident à dimensionner nos services publics, notre police municipale, nos transports publics, l’ouverture et la fermeture de certains espaces publics.
“Il ne fait pas de doute que l’accès à l’instantanéité de l’information par les réseaux et les infrastructures connectées va devenir la norme. Les stations sont de plus en plus nombreuses à se doter de réseaux, de capteurs, d’outils de comptage, d’analyse et de supervision.”
Quel est le taux d’adoption des solutions connectées parmi les communes littorales ?
Aujourd’hui, toutes les collectivités du littoral n’ont pas encore basculé dans la donnée mais il ne fait pas de doute que l’accès à l’instantanéité de l’information par les réseaux et les infrastructures connectées va devenir la norme. Les stations sont de plus en plus nombreuses à se doter de réseaux, de capteurs, d’outils de comptage, d’analyse et de supervision. Le propre d’une station touristique, c’est de savoir s’adapter aux pics de fréquentation. Même les plus petites collectivités peuvent se doter d’outils à la mesure de leurs ressources : une caméra de vidéoprotection, une télémétrie sur les débits d’eau, un capteur de passages piétons ou cyclistes ne coûtent pas très chers. En revanche, il faut plusieurs années pour pouvoir utiliser les données de manière projective, dans une logique d’anticipation.
Le risque climatique complique-t-il la donne ?
Il interroge surtout la capacité d’investissement et de financement des collectivités. Hier, ce que l’on appelait « défense contre la mer » représentait autour de 5% du budget des villes littorales. Aujourd’hui, 20 % des côtes métropolitaines sont soumises à un phénomène d’érosion et 64 % exposées à un risque de submersion marine.
Demain, l’adaptation des littoraux à une élévation du niveau de la mer - évaluée pour la façade atlantique à un centimètre par an - représentera 30% des ressources financières des intercommunalités. Ce sera autant d’argent qui ne pourra plus être fléché vers d’autres lignes : les festivals, l’animation, les transports publics… Car c’est véritablement d’une recomposition des villes qu’il s’agit. On estime à 1,3 million le nombre de logements en métropole concernés par l'aléa submersion marine d'ici 2 100. Il faudra demain déplacer des zones d’habitation, ainsi que les infrastructures et équipements exposés. Tout cela va coûter très cher. La grande difficulté pour les maires sera sans doute de gérer l’équation entre deux temporalités : celle de la prochaine saison avec les flux touristiques littoraux et celle de la pérennité des villes balnéaires. La data aura très certainement son utilité dans la consolidation de ces arbitrages.
Quel est l’objet du partenariat entre l’ANEL et Sogetrel ?
Ce partenariat, tout récent, relève du partage d’expérience, dans un esprit gagnant-gagnant. Sogetrel pourra bénéficier de l’expérience des communes littorales pour mieux cerner leurs besoins en termes de traitement de la donnée. De son côté, l’ANEL ne peut que profiter de l’expertise de Sogetrel, entreprise française de référence dans la gestion des territoires connectés.
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